Pourquoi les français souffrent à trois-points ?

Cet article fait écho à celui publié dans le numéro 2 de MaxiBasket (novembre 2025), intitulé « Pourquoi les Français souffrent-ils à trois points ? »

Avant d’aller plus loin, deux précisions importantes :

  • je ne suis pas cadre de la FFBB et je n’ai donc pas accès aux données internes concernant la politique de développement des équipes de France ;

  • je n’ai jamais été joueur professionnel, et encore moins un joueur spécialiste du tir à trois points : je ne peux donc pas m’appuyer sur mes propres perceptions en situation de jeu.

Les analyses qui suivent reposent uniquement sur mes observations de terrain, mon expérience d’entraîneur depuis 25 ans et mes connaissances scientifiques du mouvement humain.

On ne rate pas parce qu’on ne sait pas tirer

Il me semble clair qu’on ne rate pas parce qu’on ne sait pas tirer, mais parce qu’on ne comprend pas ce qu’est tirer. En France particulièrement, mais pas exclusivement, on pense le tir comme un geste, et non comme un système.

Un tir, ce n’est pas une épaule, un coude, un poignet, un alignement ou une routine... Un tir, c’est une intention, une dynamique, une lecture, une émotion, une boucle neuromotrice, une interaction entre le joueur, la défense et le contexte... Tant qu’on enseignera le tir comme un protocole mécanique, on obtiendra des résultats mécaniques — et des tirs ratés… bien vivants.

L’intensité a remplacé l’intelligence

On confond trop souvent « jouer fort » et « jouer juste ». En France, la réponse à tout semble être : intensité, dureté, agressivité, défense et impact. Mais tirer, ce n’est pas de l’intensité. Tirer, c’est du rythme, du toucher et un ensemble de mécanismes principalement inconscients. Et heureusement qu’ils le sont : s’ils étaient conscients, ils satureraient notre système et nous empêcheraient de percevoir les invitations à l’action de notre environnement. Il suffit de comparer un débutant et un joueur adapté :

  • chez le débutant, le tir est conscient, saccadé, souvent inopportun ;

  • chez le joueur adapté, le geste est fluide, ajusté et situé.

Plus on met d’intensité inutile dans le corps, moins on laisse de place au relâchement, à la fluidité, à la précision, au calme et aux ajustements neuromoteurs qui permettent la réussite. Le tir n’est pas une question de force. C’est une question d’adaptation.

On ne prépare pas les joueurs aux zones

Je ne dirais pas que « l’on ne prépare pas les joueurs aux zones ». Je dirais plutôt que l’on ne prépare pas les joueurs à s’adapter et à faire émerger du jeu. On forme des joueurs à un plan, mais pas assez à jouer. Beaucoup d’équipes françaises savent exécuter un système. Très peu savent jouer juste en dehors.
Encore moins savent punir une zone. Pourquoi ? Parce qu’on entraîne des joueurs à répéter et à appliquer. Pas à percevoir. Pas à décider. Pas à faire émerger. Ce qui manque, ce n’est pas une attaque de zone : c’est un travail perception–action.

On tire trop tard

Si l’on envisage le tir comme un geste mécanique intégré dans une partition tactique écrite à l’avance, alors le tir arrivera trop tard dès que le jeu dans le contexte imprévisible du jeu. Dans certaines nations du tir (Serbie, Slovénie, Finlande…), les joueurs se préparent avant la réception : orientation, lecture du closeout, activation du tronc, micro-ajustements des appuis, etc. En France, on prépare le tir après la réception, parce qu’on le pense comme « l’étape suivante ».

Résultat : timing cassé, défense en place, perte d’avantage, tir subi plutôt que choisi. Le tir n’est pas une étape d’un schéma tactique. C’est une opportunité créée par l’environnement.

Le tir est un phénomène émotionnel autant que biomécanique

La gestion des émotions, de la peur, de l’erreur, de la confiance… tout cela est souvent évoqué. Mais séparer le « physique du tir » et le « mental du tir » ne reflète pas la réalité. Comme me l’a appris ma collaboration avec la Docteure Debbie Crews, les preuves montrent que c’est la seconde qui précède le mouvement qui influence le plus la réussite du geste. Si cet instant n’est pas optimal sur le plan neurophysiologique, répéter 300 tirs par jour ne suffira pas. On peut s’entraîner plus fort sans s’entraîner mieux. Le tir est un état interne, pas une simple préparation mécanique.

En France, on ne s’entraîne pas à être adroit

En France, on s’entraîne souvent à être conforme. On dit à un joueur :

  • si c’est un shooteur ou non,

  • s’il doit prendre un tir ou non,

  • si c’est son rôle ou non.

Dans d’autres pays, on dit plutôt :

  • « Deviens une menace »,

  • « Agrandis ton champ de compétences»,

  • « Prends les tirs que tu as préparés ».

Culturellement, nous enfermons souvent les joueurs au lieu de les libérer.

Le vrai problème

Nous ne développons pas des tireurs : nous formons des exécutants du tir. Or le tir est un système. Pour améliorer l’adresse française, il faudrait selon moi commencer par changer les approches pédagogiques et passer d'une approche basée sur la théorie de l'information à une approche basée sur la théorie des systèmes dynamiques. Ensuite, il faudrait redonner de la liberté perceptive aux joueurs (Voir relationnisme, UpTempo, attaque conceptuelle).

Pour développer cette liberté perceptive, il est important à la fois de lever les limitations perceptives, d'intégrer une vraie conscience corporelle et de travailler dans l'action. Cela permettrait d'entraîner les décisions plus que les formes.

Pour réussir, il faudrait comprendre le joueur avant de corriger son geste. Dans la logique hologrammatique (développée dans Ma Métaude, https://www.perfhex.com/mametaude), chaque dimension du joueur se reflète dans le tir. Si une dimension est limitée, le tir l’est aussi.

Conclusion

La France n’a pas un problème de tir. Elle a un problème de compréhension du tir, de sa complexité et des modalités d’entraînement adaptée pour son développement. Ce n’est pas un problème mécanique, c’est un problème systémique.

Avec une approche systémique centrée sur le joueur, une évolution de la manière d'enseigner et d'utiliser le tir dans le jeu, nous aurions toutes les ressources pour que le tir à 3 points deviennent une force de nos équipes nationales.

Andy Hyeans

www.perfhex.com

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